Carcassonne le 22 décembre 1998

Chers tirotapiens, iennes,

C’est dans le cadre rénové dans les tons d’abricot ciré du restaurant Château St. Martin-Trencavel que, comme d’habitude pour nos agapes mensuelles, Jacqueline et Jean-Claude Rodriguez nous ont reçus pour notre repas de fin d’année. Il fallait bien quelque chose d’original pour clore cette avant-dernière année du siècle. Eh bien, nous l’avons fait ! Gérard avait réuni 14 vins, pratiquement aussi réussis les uns que les autres pour accompagner les délices que Jean-Claude nous avait préparés. Oyez plutôt : 4 effervescents furent sabrés de papilles de maître — Mailly grand cru blanc de noir, comtes de champagne Taittinger 88, cuvée de l’an 2000 cave des Sieurs d’Arques et cuvée tradition de J.L. Denois domaine de l’Aigle — et ils accompagnaient une mise en bouche délicate, fine brouillade d’œufs au saumon mariné ; ils furent suivis de deux vins blancs de très haute tenue — Fieuzal 95 et Haut-Gléon 96 — qui se disputèrent l’honneur d’être élus en compagnie de Saint-Jacques florentines aux échalotes confites. Deux autres vins blancs prirent le relais — domaine Delmas Haute-Vallée 95 et Meursault Perrières comte Laffon 94 — pour faire chanter le turbot de ligne crémé aux trompettes des morts.
Les esprits commençaient à s’échauffer, les langues allaient bon train; l’heure des rouges avait sonné. Ils étaient quatre — Terroir de Tuchan 93, Vosne Romanée Jayer 92, Beaucastel 90 et Léoville Lascazes 90 — et s’accommodèrent à merveille avec la cuisse de lièvre en poivrade aux pommes-fruits et aux quenelles de potiron. Suivit un beau plateau de fromages qui permit de terminer les rouges. Mais Jean-Claude ne s’arrêta pas là : arrivèrent deux délices d’une rare finesse, un baba au cacao au sorbet de mandarine et une clémentine qui recélait dans ses flancs évidés un sorbet au clou de girofle absolument aérien ; ces deux splendeurs étaient servies en compagnie d’un Sauternes-Barsac Climens botrytisé à l’extrême et d’un maury Mas Amiel de 15 ans d’âge qui nous rendirent au centuple tout le soleil dont ils avaient été nourris.
Quelques mignardises maison pour la route et une blanquette ancestrale vint mettre un terme à ces joies fugaces et terrestres mais ô combien célestes ! Un froid de loup et une nuit d’étoiles nous cueillirent à minuit, préalables à un sommeil réparateur. Et le lendemain, pas un mal de crâne, légers comme des pinsons chacun a repris le boulot avec un coin de rêve dans la tête... Bonne année à tous et bonnes dégustations à venir.